Mesdames, Messieurs,

Je m’adresse à vous en tant que représentant du CFEA.

CFEA signifie « Collectif des Familles d’Enfants Assassinés ». Nous représentons ceux qui sont partis pour un ailleurs.

Ne pas prononcer le mot « mort » ! Celui-ci jette toujours un froid au milieu des vivants.

Nos objectifs généraux sont les suivants :

  • nous battre contre l’oubli ;
  • nous élever contre le statut misérabiliste qu’on nous attribue, bien que pour ce qui concerne la misère du monde, nous savons particulièrement de quoi il retourne ;
  • ne pas laisser croire que l’on peut se permettre de nous laisser dans la case des « laissés-pour-compte », de ceux qui ont eu leur dû et donc qui doivent se taire. Justice a été rendue, tout est dit… Non !

Pour rappel, nous sommes inclus dans une histoire dans laquelle nous n’avons, en aucune manière, voulu entrer.

Une histoire qui s’écrit à 3 : auteur, victime, justice.

Mais venons-en au sujet de cette heure…

Nous sommes invités à nous prononcer sur une proposition de loi qui, si elle nous concerne, ne nous donne aucune place, ne nous reconnaît pas.

Dans le cadre général de cette proposition, il est fait référence à la loi du 17 mai 2006 qui détermine les droits des victimes dans le cadre d’exécution de la peine.

Mais est-ce que tout est dit pour autant ? C’est, excusez-moi, une peau de chagrin et le mot chagrin est à prendre à la mesure de ce que l’on subit, ou ont encore à subir au quotidien les proches de la victime ou la victime elle-même quand elle est encore en vie.

Il est question dans ce projet de loi de répondre aux questionnements et incompréhensions de la société (cf. Michèle Martin), en y répondant par une possibilité d’appel à l’encontre de la décision du juge ou du TAP.

A moins que nous n’ayons rien compris – ce qui reste possible – l’appel est uniquement accessible au Ministère Public ou aux détenus.

Où est la victime ???

Nous savons que si les victimes jouent un rôle sur la forme (interdiction pour le libéré de fréquenter certaines zones, etc. soyons réalistes est ce possible ??), la victime n’a aucune information sur le fond (processus de réinsertion et conditions afférentes, bilan de la détention, etc.).

Nous réclamons donc, non seulement le droit de faire appel de la décision du TAP au même titre que le Ministère Public et que l’auteur des faits, mais également que le législateur donne le droit, d’être partie active dans le cadre du TAP, de participer d’un bout à l’autre de cette procédure du TAP.

Faire appel sans avoir pu entendre l’intégralité de ce qui s’est dit dans le cadre de la libération conditionnelle et sur ce qui a motivé le choix de la décision, cela a-t-il du sens ?

Nous ne le pensons pas.

Nous avons, en mars 2013, dans le cadre d’une lettre ouverte, interpellé l’ensemble des parlementaires de ce pays ainsi que les présidents des différents partis politiques et tous les ministres. Nous avons obtenu à peine 28 % de réponses, dont certaines – et non des moindres ! – n’étaient que des lettres-types.

Vous comprendrez qu’il nous reste encore beaucoup de travail pour conscientiser ceux qui doivent l’être (peut-être vous ???) au combat que nous menons.

A l’heure d’aujourd’hui, l’actualité veut que le terrorisme concentre toutes les attentions. Il est vrai que les actes commis font beaucoup de victimes mais vous vous devez de considérer qu’une victime n’a pas plus ni moins de valeur qu’une autre et que le contexte n’entre en ligne pour rien. Une vie est une vie, une mort est une mort.

Ceux qui restent en vie avec un ou plusieurs morts à leurs côtés ne peuvent être considérés au même titre qu’un quelconque quidam.

Donner de la place à ceux qui n’ont pas demandé de l’occuper mais doivent l’assumer pleinement au nom de leurs disparus, n’est-ce pas le premier de vos devoirs ?

Pour l’emploi des langues, nous nous en remettons à vous, à l’obligation de tenir compte des exigences de notre pays.

Juste un dernier rappel : les victimes que nous représentons ne sont plus de ce monde mais elles sont encore là par la voix de ceux qui les représentent et dont certains sont ici avec moi aujourd’hui.

Si le Ministre de la justice, en charge de l’histoire à trois, avait la bonne idée de remettre sur pied les Assises de la Justice peut-être aurions nous un laboratoire d’idées.

Nous avons encore beaucoup de choses à vous dire concernant les victimes et le statut qu’elles n’ont pas voulu…

 

En vous souhaitant pour cette année 2016 de ne jamais avoir à nous rejoindre dans notre Collectif, nous vous remercions de  l’opportunité que vous nous offrez de nous faire entendre.

Et si cela vous intéresse, nous vous invitons à visiter notre tout nouveau site internet : www.cfea.be

Merci de votre attention.

Texte écrit pour le CFEA par Dominique Coster – 13 janvier 2016